Les clusters QVT en établissements médico-sociaux : l’expérience de la région Paca

Publié le 12/10/2020

L'ARS Paca et l'Aract Paca accompagnent 26 établissements, dans le cadre du partenariat DGCS – Anact.

13 EHPAD, 7 structures d’accueil de personnes en situation de handicap et 6 établissements sanitaires expérimentent la QVT dans une action collective en 2019.

En octobre 2018, l’ARS Paca diffuse auprès des établissements sanitaires et médico-sociaux de la région un appel à candidature pour participer à l’un des 4 clusters QVT régionaux.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité des clusters proposés en 2016 et 2017 aux établissements de santé, dans le cadre du partenariat HAS – Anact, et s’étend au secteur médico-social grâce à l’implication de la DGCS (circulaire du 17 juillet 2018 relative à la mise en œuvre d’une stratégie de promotion de la qualité de vie au travail dans les établissements médico-sociaux (EHPAD et établissements accueillant des personnes handicapées).

Sur les 55 établissements sanitaires et médico-sociaux ayant répondu à cet appel à candidature, 26 candidatures seront retenues : 13 EHPAD, 7 structures d’accueil de personnes en situation de handicap et 6 établissements sanitaires participent à l’un de ces 4 clusters régionaux en 2019.

Les établissements ont été accompagnés tout au long de l’année à l’occasion de 5 journées collectives et différents temps d’accompagnements individuels pour mettre en place une démarche interne d’amélioration de la QVT. Basée sur la méthodologie du réseau Anact – Aract, cette démarche repose sur un comité de pilotage paritaire QVT en charge d’identifier les axes prioritaires sur la base d’un diagnostic et de proposer des expérimentations pour permettre aux salariés (ou agents) de s’exprimer sur ces thématiques et de faire remonter des pistes d’amélioration.

 

Secteur médico-social : les enjeux de la QVT

La première question posée aux établissements médico-sociaux est « pour quelle raison mettre en place ce type de démarche ? »

Un premier enjeu fort auquel est confronté le secteur est l’attractivité. Turn-over, absentéisme, difficultés de recrutement, recours aux contrats courts génèrent souvent un coût important et posent de gros problèmes d’organisation dans les établissements médico-sociaux. Agir sur la QVT pour attirer, fidéliser, impliquer et responsabiliser les salariés est donc un premier intérêt partagé. 

Agir sur l’absentéisme implique également de proposer un environnement de travail sécurisé et sécurisant. La question de la santé au travail est également centrale dans ce secteur, notamment la prévention des TMS et des RPS.

Un autre enjeu fort tourne autour des aspects relationnels : renforcer la cohésion d’équipe, favoriser l’émergence d’une culture commune, donner du sens au travail pour agir à la fois sur la motivation et l’implication des équipes mais aussi sur la qualité du service rendu. Un personnel épanoui dans son travail est en capacité de proposer un accompagnement de qualité aux personnes accueillies.

Enfin, le secteur subit de profondes mutations. Réformes successives, restructuration de services, évolution des pathologies des publics pris en charge, évolution de la réglementation demandent aux établissements d’adapter leur organisation et leurs modes de fonctionnement très régulièrement. L’implication des équipes dans ces changements est une condition indispensable à leur succès. 

La mise en place d’une démarche QVT pour accompagner un changement est un moyen adapté d’anticiper au mieux les impacts humains, organisationnels ou matériels de ce changement.

La démarche QVT est l’occasion de permettre aux professionnels de réfléchir collectivement à leur organisation. Pour cela la phase de diagnostic repose sur 2 composantes essentielles centrées sur les 6 thèmes de la QVT : 

  • l’analyse de l’existant : identifier ce qui a déjà été mis en place, valoriser les aspects positifs et identifier les axes d’amélioration
  • l’identification des priorités QVT : choisir les thèmes à approfondir en priorité pour apporter des pistes d’amélioration, en tenant compte de l’existant.

 

Quels thèmes prioritaires retenus ?

Les comités de pilotage des établissements participants aux clusters QVT en Paca ont majoritairement retenu les thèmes prioritaires suivants :

  • Contenu du travail : clarté des rôles, glissement de tâches, charge de travail, roulement entre équipes
  • Relations de travail : coordination, entraide, bienveillance, communication interne, activités d’animation pour les AS, fonctionnement des instances
  • Santé au travail (TMS, RPS, risques chimiques, actualisation DUERP)
  • Conciliation vie professionnelle / vie personnelle
  • Gestion des compétences, développement professionnel

 

Démarches QVT : une expérimentation adaptée

Plusieurs options ont été proposées aux établissements pour réaliser une expérimentation dans le cadre de leur démarche QVT. Le comité de pilotage de chaque structure a choisi une ou plusieurs options en fonction des objectifs fixés, des thèmes prioritaires retenus et de la concomitance avec d’autres projets en cours.

  • 16 établissements ont mis en place au moins un espace de discussion. Animé par un membre de l’équipe volontaire, un espace de discussion permet aux salariés volontaires de s’exprimer sur un ou plusieurs thèmes choisis par le comité de pilotage, de sorte à recueillir leur avis d’abord en termes de constats, puis de propositions concrètes d’actions d’amélioration.

Quelques exemples de thèmes d’Espaces de Discussion : contenu du travail, aménagement espaces de travail, répartition charge de travail, réorganisation service infirmer, relations de travail / sens du travail, communication interservices, santé au travail, management et engagement, projet d’établissement participatif.

  • 6 établissements ont réalisé une expérimentation pour tester in situ un nouveau mode de fonctionnement. L’objectif de ce type d’expérimentation est de faire évoluer un mode de fonctionnement qui présente des limites ou génère des insatisfactions, en évaluant les conséquences de cette évolution, de façon à se donner un droit à l’erreur. 

Exemple d'expérimentation in situ :

Un comité de pilotage a souhaité tester un nouveau parcours d’intégration, faisant le constat de difficultés d’intégration des nouveaux personnels, tant du point de vue relationnel qu’organisationnel. Le choix a donc été fait de proposer un dispositif d’accueil à chaque nouveau salarié, incluant la mise à disposition d’un livret d’accueil avec toutes les procédures de travail propre à son poste, une première journée en binôme avec présentation des différents services et membres du personnel, un tutorat avec un parrain identifié pour permettre l’appropriation des missions (période définie en fonction du type de poste). L’intérêt de ce dispositif a été de mettre en évidence les avantages observés au cours de la période d’expérimentation (satisfaction des nouveaux salariés, pérennisation de contrats courts, meilleure répartition de la charge de travail, valorisation des plus expérimentés) ; mais aussi de mettre en évidence certaines limites (charge de travail durant la journée en binôme et la période de tutorat pour le parrain, perte de temps lors de la visite de tous les services de l’établissement). L’organisation du parcours d’intégration a pu être adaptée au regard de cette évaluation avant d’être pérennisée. Ainsi le comité de pilotage a proposé d’annuler la visite systématique de tous les services le jour même de l’arrivée de chaque nouvel entrant et de la remplacer par une réunion de présentation périodique pour mutualiser ces présentations.

D’autres expérimentations ont porté sur la mise en place d’un nouveau planning ou encore sur l’utilisation de logiciels internes (appropriation nouveau logiciel de soins, intégration du plan de prévention dans le logiciel qualité).

  • 4 établissements ont mis en place un « Vis mon travail », qui consiste à créer des binômes de salariés qui vont passer du temps (1/2 ou une journée) ensemble sur chacun de leur poste de travail, de façon à mieux comprendre l’activité de l’autre.

Ce type d’expérience répond à plusieurs objectifs : 

  • améliorer les relations internes, 
  • fluidifier la communication entre les services, 
  • mettre en évidence des dysfonctionnements organisationnels,
  • mettre en lumière des opportunités d’évolution professionnelle.

 

Des plans d’action pour améliorer la QVT

Ces expérimentations ont conduit les comités de pilotage QVT de chaque établissement à élaborer un plan d’action pour améliorer la QVT.

Ces actions sont issues des propositions émanant des espaces de discussion ou de l’évaluation des expérimentations. Elles reposent ainsi sur une réflexion construite et collective.

Quelques exemples d’actions pour améliorer la QVT en établissement médico-social:

  • Formalisation d’un guide d’entretien d’accueil de nouveaux patients.

Objectif : améliorer la qualité d’accueil des patients, réunir toutes les informations nécessaires au personnel pour son accompagnement.

  • Mise en place d’une réunion de présentation de tout le matériel d’aide technique par l’ergothérapeute.

Objectif : sensibiliser les salariés à l’intérêt de ce matériel (prévention des TMS notamment), les former pour une utilisation adéquate.

  • Réorganisation du repas du soir pour optimiser la répartition du travail.

Objectif : adapter la charge de travail du personnel pour éviter les moments de « rush », permettre au personnel d’être plus disponible pour un accompagnement de qualité.

  • Conception d’une procédure de répartition des tâches en cas d’absence imprévue au sein de l’équipe de soins.

Objectif : assurer la continuité de service en cas d’absence, réguler la surcharge de travail induite pour l’équipe présente (gestion des priorités).

  • Élaboration d’une « check-list » pour les transmissions.

Objectif : optimiser le temps de transmission, assurer la circulation de l’information, guider les nouveaux arrivants sur le type d’informations à transmettre.

  • Participation des personnels techniques et administratifs à une transmission par semaine.

Objectif : éviter le clivage entre les équipes, fluidifier la circulation de l’information.

  • Valorisation de la formation en situation de travail (notamment sur l’usage de logiciel interne et de tablettes numériques).

Objectif : optimiser les actions de formation et la montée en compétences, valoriser le personnel expérimenté.

  • Mise à jour de la signalétique dans les bâtiments (panneaux pour la circulation, nom des services, usage des pièces)

Objectif : faciliter l’orientation des patients et de leur famille mais aussi du personnel nouvellement arrivé.

 

La pérennisation du projet QVT, enjeu essentiel

Les 3 clusters QVT destinés aux établissements médico-sociaux se sont terminés en décembre 2019. La pérennisation du projet QVT est un enjeu essentiel pour assurer l’efficacité de la démarche engagée. Bien évidemment la construction d’un plan d’action n’est pas une fin en soi, c’est bien la mise en œuvre concrète des actions sur le terrain qui donnera du sens à cette démarche. Les professionnels qui ont été sollicités tout au long de la démarche (comité de pilotage, espace de discussion, expérimentation) sont en attente de résultats concrets et d’amélioration de leurs conditions de travail au quotidien

Il a été proposé aux établissements d’adhérer à la charte régionale QVT pour ancrer cette démarche dans leurs pratiques et valoriser le travail réalisé au cours de l’année. L’adhésion à cette charte est un bon moyen de garantir la pérennisation des actions entreprises. A ce jour 8 établissements participant aux clusters médico-sociaux sont adhérents à la charte

Différents outils de capitalisation (guides, vidéos, colloque) sont également en cours de construction pour permettre aux établissements qui n’ont pas participé à un cluster QVT de pouvoir s’approprier la démarche QVT et s’appuyer sur les expériences conduites pour mettre en œuvre le même type de projet. Vous retrouverez prochainement ces outils sur notre site.

QUELQUES EXEMPLES DE BONNES PRATIQUES

Les partages d’expériences dans les temps collectifs des clusters ont été l’occasion de mettre en lumière quelques bonnes pratiques dans les établissements médico-sociaux. En voici quelques exemples :

Partage d’informations / suivi des usagers :

• Un classeur référent par usager / par poste de travail recueillant toutes les informations sur le résident (modalités de prise charge, suivi médical, situation sociale, habitudes de vie, projet éducatif, etc.) et sur l’organisation du service (mis à jour par le référent éducatif)

• Un logiciel de partage d’informations commun à tous les professionnels (y compris techniques et administratifs)

• Une réunion de synthèse annuelle par usager en présence de la famille et de l’équipe pluri-professionnelle pour établir un projet d’accompagnement individuel participatif

Organisation du temps de travail / répartition des tâches : 

• Réorganisation du service hébergement par les salariés, selon le niveau de dépendance des résidents => optimiser la répartition de la charge de travail

• Réorganisation des cycles de travail pour chaque AS / ASH => éviter le clivage équipe / contre-équipe, harmoniser les pratiques professionnelles

• Réorganisation participative des plannings (groupe de travail, expérimentation, vote) => fidélisation es salariés, conciliation des temps de vie, répartition de la charge de travail

• Travail en trinôme (2AS – 1ASH) => éviter le clivage, partage de pratiques professionnelles, entraide, valorisation

• Mise à disposition d’une mallette pour chaque aide soignant contenant une feuille de route quotidienne (rédigée par le cadre) et le petit matériel nécessaire au quotidien) => amélioration qualité des soins

Montée en compétences collective / pratiques professionnelles partagées :

• « Gérer l’agressivité et les troubles du comportement » : Formation interne pour l’ensemble des professionnels => harmoniser les pratiques 

• « Prise en charge de la douleur » : un référent douleur, formation de l’ensemble du personnel => faciliter la communication avec les médecins

• « Thérapies non médicamenteuses » : formation commune et projet co-construit => projet d’accompagnement partagé

Processus RH :

• Participation de l’équipe au processus de recrutement + accompagnement nouveaux arrivants (binôme, entretiens) => fidélisation, cohésion, valorisation des anciens

• Planification d’évènements festifs réguliers équipes / résidents / familles => cohésion, qualité prise en charge, reconnaissance

Johanna SEREE, Aract Paca

En lien avec ce sujet